Amateur Angles #4
Yokozuna amateur et
statut de makushita tsukedashi


par Howard Gilbert

Dans mes précédents articles des Amateur Angles je me suis concentré sur le sumo amateur dans un contexte international. Pour cette édition j’ai décidé de changer mon point de vue pour m’intéresser à ce qui se passe dans le sumo amateur au Japon. Il y a quelques raisons à cela : en premier lieu la saison internationale s’est finie avec les récents Championnats du Monde du Sumo ; et novembre et décembre voient les deux plus importantes compétitions sur le calendrier nippon amateur, chacune d’entre elles ayant un lien possible avec l’Ōzumō.

Je me suis vu assez souvent en train d’essayer de faire comprendre aux gens que le sumo amateur est plutôt différent du sumo professionnel. Diffuser ce type de message est en partie ce qui fait l’objet de ma thèse de doctorat, mais je reçois également un certain nombre de questions de la part de gens ordinaires et doit leur expliquer que j’enquête sur un sport assez différent avec des buts différents, des règles différentes, et que la forme actuelle du sumo amateur est bien différente du corporatisme mâle qui est associé à l’Ōzumō. Toutefois, le sumo amateur et sa contrepartie professionnelle ont à l’évidence des liens, en particulier dans le paysage sportif japonais.

Le sumo amateur, bien entendu, peut procurer un contexte et un terrain d’entraînement pour ceux qui aspirent à devenir rikishi. Si le nombre de ceux qui franchissent le Rubicon du sport professionnel est petit au regard du nombre de compétiteurs dans le monde amateur, il est évident que les meilleurs sont attirés personnellement, ou convaincus par d’autres, de s’essayer à l’Ōzumō.

Ces recrues se divisent en trois grandes catégories ; ceux qui ont fini les études obligatoires en finissant le collège (15 ans) ; ceux qui finissent le lycée (18 ans) ; et peut-être les plus aptes physiquement et techniquement, ceux qui ont combattu dans le sumo amateur universitaire (environ 22 ans). Presque tous ces shin-deshi commencent en maezumō avant de rejoindre le banzuke au rang de jonokuchi ; toutefois, certains privilégiés se voient propulsés directement au rang de makushita dès le début de leurs carrières. Je me concentrerai sur ce petit groupe de lutteurs dans cet article, pour montrer comment le sumo amateur peut contribuer à une carrière pleine de succès dans l’Ōzumō.

Les athlètes amateurs qui peuvent commencer leur carrière professionnelle en makushita sont ceux qui ont combattu de manière exceptionnelle dans les rangs amateurs. Ce fait est déterminé par une victoire dans l’une des quatre grandes compétitions désignées : les Championnats d’Entreprises, qui se tiennent en septembre ; les Championnats lycéens d’octobre ; les Championnats étudiants en novembre et les Championnats amateurs de décembre.

Le vainqueur de chaque compétition est nommé respectivement yokozuna d’entreprises, Kokutai yokozuna, Gakusei yokozuna et yokozuna amateur de l’année. Le dernier titre est le plus prestigieux de tous, puisqu’il fait se rencontrer les adultes, universitaires et quelques lycéens les uns contre les autres pour le titre suprême des cercles du sumo amateur au Japon.

Si un athlète amateur remporte l’un des quatre tournois mentionnés ci-dessus, il est éligible (s’il est assez jeune) pour entrer dans l’Ōzumō comme makushita tsukedashi durant une année après sa victoire dans le tournoi. Ce poste est en fait l’équivalent dans le banzuke du rang de makushita 15, bien que le lutteur ne soit pas listé sur le banzuke jusqu’au basho suivant. Si un athlète gagne l’un des trois premiers tournois cités ET le tournoi amateur, il est alors placé au rang de makushita 10 pour son premier basho.

Cette qualification peut à l’évidence donner au nouveau rikishi une bonne occasion de rentrer en juryo et donc de gagner sa vie dans le sumo. Toutefois, les chances qu’a un lutteur amateur de remporter l’une de ces quatre compétitions est relativement faible, étant donné que chacun ne participe qu’à trois des tournois au mieux chaque année (les athlètes d’entreprises ne peuvent aller dans les compétitions étudiantes et vice versa). En sus, les athlètes d’entreprises sont souvent trop vieux d’intégrer l’Ōzumō, et les occasions chaque année ne sont souvent disponibles pour un ou deux athlètes seulement. Cela n’a pas toujours été le cas, puisque avant septembre 2001 les prérequis pour recevoir le statut de makushita tsukedashi étaient moins restrictifs.

Le statut de tsukedashi existe depuis bien avant l’ère Taisho, mais les athlètes furent intégrés au banzuke à différents niveaux. Les placer seulement en makushita s’est formalisé uniquement sous l’ère Showa. En 1966, il a été établi que le statut de makushita tsukedashi serait à makushita 60, le dernier rang de cette division. Si le nouvel entrant faisait un make-koshi, il retombait immédiatement en sandanme, mais d’un autre côté, deux zensho yusho consécutifs (ou équivalent) le propulserait en juryo. Parmi ceux qui ont accompli cette performance, on compte Wajima, Asashio, Musoyama et Miyabiyama.

A cette époque les athlètes se voyaient accorder le statut de tsukedashi s’ils avaient fait de belles performances et reçu des médailles aux compétitions universitaires. Toutefois, des questions se firent jour quant à la qualité des rikishi en provenance des rangs amateurs, et par conséquent le critère de sélection furent durcis en mars 1993, les athlètes devant atteindre les huitièmes de finale des Championnats Amateurs. De cette période sont issus des lutteurs tels que Kotomitsuki, Dejima et Takamisakari.

Après ceci, le succès de certains lutteurs amateurs ayant débuté la compétition depuis le maezumo a provoqué une nouvelle refonte des conditions. Par exemple, Hokutohikari (Hakkaku-beya) a eu quatre années plutôt ordinaires à la Nihon University mais il est parvenu jusqu’en juryo. De la même manière, Tochinohana de la Meiji University a du gravir les échelons depuis le maezumo, mais il a pu devenir komusubi. Leurs succès ont provoqué les changements du système tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Donc, qu’en a-t-il été des récents tsukedashi ?

En 2002, le yokozuna Kokutai a été un jeune athlète du nom d’Ushida, qui lutte désormais en makuuchi sous le nom de Futeno. La même année, le yokozuna Gakusei, Yokoyama Hideki de la Toyo University, a décidé de se passer de la faveur et d’entrer sur le marché du travail. L’année suivante, il combattit aux Championnats d’Entreprises et en devint le yokozuna, et décida cette fois d’entrer dans les rangs professionnels. Il est désormais connu sous le nom de Takamifuji, bien qu’il soit encore scotché en makushita.

Le yokozuna amateur de 2002 a été Onishi Masatsugu de la Nihon Taiiku University ; toutefois, il choisit d’abandonner son statut de tsukedashi pour pouvoir être diplômé. Il rentra plus tard en maezumo en janvier 2004, devenant le premier yokozuna amateur à commencer depuis le départ. Il a depuis gravi les échelons et est connu de son shikona Yoshikaze.

En 2003 le yokozuna Kokutai, Nakano de la Toyo University est entré à la Musashigawa en mai de l’année suivante. Jusqu’ici il est descendu jusqu’en sandanme, et est remonté en makushita, et combat sous son propre nom. Le yokozuna Gakusei de 2003 a eu jusqu’ici une meilleure carrière. Kanbayashi Yoshiyuki, étudiant en quatrième année à la Kinki University, est entré dans les rangs professionnels en mars 2004 et a jusqu’ici atteint le bas de la juryo, où il réside actuellement.

Bien que Kanbayashi ait eu ses hauts et ses bas depuis son entrée dans l’Ōzumō, ceux-ci ne sont que peu de choses en comparaison des malheurs du yokozuna Gakusei de 2004, Hakiai. Il n’envisageait pas initialement une carrière dans le sumo professionnel, mais changea d’avis en recevant son statut de tsukedashi. Sa carrière, toutefois, a été chaotique et les blessures l’ont propulsé hors du banzuke.

Le yokozuna Gakusei de 2005 a eu un peu plus de chance mais a eu aussi sa part de soucis dans sa courte carrière. Shimoda Keisho de la Nihon University a commencé avec un yusho makushita de 7-0 mais n’a pu être promu en juryo. Ceci amena un certain intérêt, aussi bien pour le rikishi lui-même que pour sa non-promotion. Il n’a pas été à même de conserver cet état de forme, et en fait a été make-koshi deux mois plus tard. Il a depuis récupéré et demeure dans le haut de la division makushita, attendant une autre chance de recevoir sa première paie dans le sumo.

Donc, les récipiendaires ont parfois renoncé à leur statut de tsukedashi en faveur d’une carrière plus certaine, ou d’au moins les qualifications qui pourraient l’aider. D’autres ont saisi cette opportunité mais n’ont pas toujours eu le même succès qu’ils avaient eu au niveau amateur. Mais pour certains, le résultat d’une carrière à succès dans les rangs amateurs peut être une ascension très rapide dans les rangs professionnels salariés.

Jusqu’ici, cette année, le yokozuna Gakusei est Mori de la Nihon University. Le yokozuna d’Entreprises est un ancien de la Nihon University, Ishimae, bien qu’il soit sans doute un peu âgé pour entrer dans l’Ōzumō. Le Kokutai yokozuna est un autre athlète de la Nihon University, Ishihara Takayuki. Alors que cet article est en cours d’écriture, le yokozuna amateur 2006 sera annoncé en fonction des résultats du Championnat Amateur de décembre. Sera-ce l’un de ces hommes qui s’adjugera le titre ultime, ou un autre nom émergera-t-il ? Et enfin, l’un des yokozuna amateurs de 2006 sera-t-il bientôt dans les rangs professionnels ?


Sumo Fan Magazine Home

L10 Web Stats Reporter 3.15